Samain, le temps sacré où les morts nous débordent
Franchissant tous les murs, pour une seule nuit.
Ils traversent le Styx et enfin ils abordent
Le monde des vivants où la lumière luit.
Pourquoi donc composer quelques mots qui s’accordent?
C’est qu’aujourd’hui le temps me fuit.
Nous allumons pour eux quelques bougies fragiles
Des lanternes parfois, mais jamais de flambeaux.
Cette nuit pourquoi donc leurs serions nous hostiles?
Samain permet aux morts de quitter leurs tombeaux.
Tourne, rouet du temps. Sur ce rouet tu files
Ce qui tombera en lambeaux.
Pour traverser le Styx, pas de lumière vive
Pas de soleil brulant, non plus d’éclat trompeur.
Juste assez de clarté pour leur montrer la rive
Pour leur dire «Venez, amis, venez sans peur».
Pourquoi faut-il ce soir que je rêve et j’écrive,
Et que je quitte ma torpeur?
Car, oui, les morts ont peur, peur comme tout le monde.
Ils ont peur du mépris, ils ont peur de l’oubli,
De la désaffection, de la froideur profonde
Qui rend l’esprit stérile et le coeur affaibli.
Ne crains rien, ouvrier à la plume féconde,
Droit debout devant l’établi.
Nous, vivants, leur devons un instant de mémoire.
Et alors, apaisés, le chemin du retour
Qui les ramènera dans la nuit froide et noire,
Ils le feront, sereins, sans le moindre détour.
Pourquoi donc aujourd’hui raconter cette histoire?
C’est que demain viendra mon tour.
Beltaine victorieux, le jour de la lumière
Ouvrira le printemps, un matin au réveil.
Il laissera Samain bien loin de lui derrière
Et un monde nouveau sortira du sommeil.
Et les mains réunies en chaine régulière
Nous chanterons sous le soleil.